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Et si l'on ne pouvait même plus se fier à son reflet...

4 participants

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Et si l'on ne pouvait même plus se fier à son reflet... Empty Et si l'on ne pouvait même plus se fier à son reflet...

Message par Nunuche Jeu 3 Mar - 9:17

Et si l'on ne pouvait même plus faire confiance à son reflet? ...



Ou était-il?

J'étais planté devant le miroir et j'attendais.
Mon reflet avait encore disparu. Je collais le nez sur la surface lisse en essayant d'explorer tout l'espace jumeau de ma chambre qui lui, inversé certes, restait fidèle...
Ca avait commencé, il y avait à peu près un an, par des lenteurs, des retards à répliquer mes gestes, mes mouvements. Comme de la mauvaise volonté.
J'avais éclaté de rire la première fois que cette impression m'avait saisi, mais le malaise s'était insinué. j'avais fui la salle de bain et me coiffais sans vis à vis en découvrant l'atroce réalité de nouer ma cravate sans me voir le faire. Je faisais tout à l'envers!!!
Les collègues devraient se passer, ce jour là, de l'image de la parfaite classe dans l'élégance.

En rentrant le soir, j'évitais encore le face à face, m'installais dans mon fauteuil, me servis un verre. Voilà, c'est ce qu'il me fallait... Me détendre. Cette histoire de reflet paresseux n'était qu'une séquelle des soucis divers qui m'assaillaient de toute part, depuis trop longtemps.
J'étais... stressé!
Oui, c'était ça ! trop de stress, l'interdiction de se laisser aller, la corde raide permanente et la solitude. Mes nerfs étaient en pelote et mon seul interlocuteur valable n'était que ce reflet, et le pauvre me servait de bouc-émissaire.
J'avalais l'alcool salvateur, décidais de m'en accorder une ration supplémentaire et me rendis à la salle de bain.
J'étais là... Bien en face de moi! Le soulagement me fit éclater de rire! Brièvement... car mon reflet, lui, restait perplexe... Et quand,à cette constatation, je sentis mes traits se pétrifier d'horreur, il me sourit tristement... Puis, enfin... il consentit à harmoniser l'expression de son visage avec ce qui devait être la mienne : décomposée!

Mais, je n'avais plus confiance. Les jours suivants, la toilette me devint une peine, puis une torture. Je ne le regardais plus en face. Peur de le surprendre regardant ailleurs! Je me mis à ralentir mes mouvements pour lui donner une chance de ne plus être en retard, de calquer les siens aux miens... Mais il semblait de plus en plus difficile à entraîner dans le délié de mes gestes. J'en vins presque à adopter des allures simplifiées d'automate et tout ça, toujours, en évitant son regard... La situation semblait pourtant s'équilibrer : je faisais des efforts, il semblait en faire, je m'en contentais me satisfaisant de ne pas augmenter la liste de mes tracas...

Puis à nouveau, la coordination faiblit. Il semblait amorphe, déprimé... J'évitais toujours son regard. Mais un matin, contemplant à nouveau mon image pitoyable et décalée, j'osais croiser ses yeux. Je frissonnai... La détresse était tellement visible sur ce visage connu. La compassion m'envahit sans que je puisse lutter.
Soudain, il me sourit! Et... je lui souris! Heureux de le voir s'éclairer un peu. Il leva un bras et ... je levai aussitôt le mien! Je lui devais bien ça... Je l'avais ignoré pendant des mois, l'obligeant à la fidélité quand je ne lui accordais pas, moi-même, le moindre regard...
Quelle avait été sa souffrance? Vissé sur la mienne, j'avais délibérément refusé de chercher à comprendre la sienne...
J'imitais ainsi, en continuant à sourire de son sourire, chacun de ses gestes hésitants, proposés... Et je ressentis une grande satisfaction de m'apercevoir que l'apprentissage se révélait plus aisé que je ne l'aurais imaginé. J'y parvenais même de mieux en mieux... Au bout de quelques jours, je réussis même à me raser de la main gauche quand mon reflet de plus en plus rasséréné... se trompa de main!
Je ne lui en voulais pas. Il semblait retrouver une joie de vivre oubliée et la « réplique » de son sourire me devint machinale, automatique et tellement... gratifiante aussi. Son bonheur faisait plaisir à voir, à penser, à anticiper, à vivre...

Je m'aperçus que les journées me semblaient longues en dehors de ces échanges... Je devenais maladroit... Il me semblait que chacun de mes gestes, en dehors de cette « réflexion » m' était pénible, vain, inexpliqué, inutile... comme s'il n'était pas... justifié!!! Le quotidien, en dehors de cette fusion de plus en plus profonde avec mon reflet, me devint d'abord inintéressant, puis pénible et enfin complètement insupportable!
Mes seules respirations venaient des échappées que je m'autorisais devant le miroir des toilettes où, l'espace d'un instant, je volais des secondes de réconfort... L'effet était quasi-instantané : il me suffisait d'entrevoir l'image de l'assurance de plus en plus évidente que j'imprimais à mon reflet pour m'en sentir imprégné, complice, ...« responsable ».

Cependant, devoir le quitter chaque matin, me devint insupportable. Je m'abîmais dans les profondeurs de l'angoisse à l'imaginer seul, abandonné, déçu peut-être...
Je démissionnais de mon travail et l'enthousiasme avec lequel, je vins fusionner avec mon reflet ce soir-là me conforta dans le choix de mes priorités à venir. La coordination serait désormais parfaite...
Son rétablissement était visible. Nos gestes étaient identiques, fluides. Je ne calculais plus, je savais ce qu'il voulait à l'exacte seconde où il le voulait et l'accomplissement du moindre battement de cil simultané me comblait d'aise . J'avais trouvé le « tempo », l'harmonie idéale pour qu'il se sente autonome, délivré... libéré? Il ne semblait même plus étonné.
Nous passions des heures ensemble, non pas dans la contemplation mutuelle béate mais dans la présence consciente de l'autre. Je passais d'une pièce à l'autre de ma maison, désormais rassuré par la certitude de sentir la plus petite de ses volontés sans aucun retard et, satisfaction suprême, sans plus avoir, même, le besoin de l'anticiper...
Je crois que je l'ai sauvé! Et cette quiétude partagée, même si elle m'isolait totalement du reste du monde, m'apporta une sensation d'utilité, d'aboutissement que j'avais perdue depuis fort longtemps, je crois.

Puis, au fil des jours, il sembla moins « présent ». Nos rencontres étaient toujours, bien sûr, totalement fusionnelles mais elles semblaient désormais s'enliser dans la chappe de l'habitude. Nous procédions aux gestes quotidiens sans aucun décalage. Notre timing était parfait mais... nos regards se croisaient de moins en moins dans la surprise émerveillée de cette prouesse... Il semblait que ce fut devenu normal. Au moins pour lui... Je m'efforçais de gommer la moindre inquiétude de mes évolutions, tremblant de le voir retomber dans le gouffre de la déprime... Il fallait que je le préserve!
Je m'en tenais au rôle parfait de réplique instantanée lors de nos face-à-face mais commençais à me poser des questions quand je ne le voyais plus... En fait, que faisait-il vraiment? Les doutes m'assaillirent. Je ne quittais plus la proximité des miroirs attendant, dans la fébrilité, la pulsion qui m'annoncerait son retour et la « convocation » libératrice.
Mais ses absences se multiplièrent et nos rendez-vous, auxquels pourtant j'attachais un perfectionnisme irréprochable, ne semblaient plus aussi emplis de nécessité vitale. Un élément surtout me fit frémir : la conscience soudaine qu'il ne ME regardait plus! Oh, son regard croisait encore le mien de temps en temps, mais l'éclair si brillant de l'intérêt semblait s'amenuiser, petit à petit, au point de s'éteindre... Il ne me voyait plus, je crois...
Je continue à copier ses gestes, j'y mets ma volonté, ma conviction, mon sens du devoir et le simple témoignage de mon... affection. Je dois tenir... le maintenir dans l'équilibre...

Mais où est-il?
Je ne sors plus de cette chambre que pour aller dans la salle de bain, tremblant de manquer son retour. Je vais tenir, résister au doute... Il le faut!
Je me suis assis sur le lit. Je l'attends...
Il faut que je sois prêt, en forme dès qu'il apparaîtra! Je ne sais plus depuis combien de temps je n'ai pas mangé... Mais je n'ai plus faim, plus besoin de faim. Je sens, sans bouger, mon corps assouvir des besoins en dehors de moi. Le goût de l'eau fraîche, l'odeur d'une cigarette, le frisson d'un contact... Tout ça remplit « ma » mémoire dès qu'il rentre. Et mon image lui renvoie encore instantanément le reflet de ses satisfactions...

Encore?
Je me sens un peu triste cependant, inquiet, fragile, moins important... je ne sais pas à quoi ça tient... Peut-être cette sensation bizarre qu'en dehors de cette pièce, le monde s'est effacé, n'a plus de consistance... et qu'il ne m'apparaîtra plus désormais que par la puissance de la présence de cet autre moi.
Pourtant, avant, je vivais sans lui... Il me semble... Oui, je ne faisais même pas attention à lui... à peine... je crois... et j'étais droitier... non? Ce n'est pas cette main là que je levais naturellement... D'ailleurs, elle semble se lever moins bien...
Fatigue? Mauvaise volonté?
Nunuche
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Message par Alli B. Good Sam 5 Mar - 22:31

Celui ci ,j'ai depuis un bail un faible pour lui...

http://www.musicme.com/Jacques-Higelin/albums/Irradie-0077779283828.html?play=03
Alli B. Good
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Message par grumpythedwarf Sam 5 Mar - 23:39

Cette histoire de reflet fait penser aux problèmes d'identité, bien sûr.
Recherche, perte, altération de l'identité.
Passionnant ! J'espère une suite.
grumpythedwarf
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Message par PPffiiiiuuu Dim 6 Mar - 0:04

grumpythedwarf a écrit:Cette histoire de reflet fait penser aux problèmes d'identité, bien sûr.
Recherche, perte, altération de l'identité.
Passionnant ! J'espère une suite.

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Message par Nunuche Dim 6 Mar - 8:36

Wahou! Je vis pour des moments comme ça...!!!

(Euh... merci pour les commentaires, ça me fait plein de plaisir)...

mais là...
Ce garçon qui joue et qui chante...
Wha de wha............!!!
Juste posé sur un flocon de perfectitude...
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Message par Invité Dim 6 Mar - 19:52

Tu l'avais déjà posté ailleurs. J'adore!

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