Intertextes

Mon prince de la cloche , s'appelait ....je n'ai jamais connu son nom : c'était "son éminence" parce qu'il avait fait le séminaire ...Il parlait latin et grec et s'était pris d'une affection partagée pour ma grand-mère maternelle . Elle l'accueillait parfois pour une après midi à l'ombre de la treille , autour d'un café . Il m'impressionnait . Nous appelait les meniñes ma soeur et moi . Racontait les mythes de Rome ou de la Grèce , parlait avec émotion de Saint Vincent de Paul ...Je ne savais pas alors à quel être incroyablement fragile j'avais à faire mais il m'est souvent arrivé d'imaginer qu'il était un ange . Ma grand-mère ne le laissait jamais repartir sans lui donner quelques affaires pour lesquelles il la remerciait avec tant d'emphase qu'elle en riait et lui disait en patois - que je ne comprenais pas - des mots qui roucoulaient un peu ...

Le grenier , son odeur de poussière familière ; je n'avais franchi que quelques marches , une vieille porte et pourtant ,un univers merveilleux s'ouvrait à moi . J'étais elfe dans une forêt de toiles translucides brodées par des fées aux bras graciles , aventurier à la recherche de quelque malle au trésor , prisonnier d'une sombre tour gardée par d'obscurs secrets... Grand-mère ne jetait rien et ce grenier aurait fait pâlir d'envie un brocanteur . Il racontait une longue vie qui avait vu passer les modes et grandir le progrès .

Je n'étais qu'une enfant , comme grand-mère me le rappelait quand je posais ,curieuse insatiable , des questions sur les grandes personnes . Chaque fois , elle avait cet air étonné :comment cette petite parvient-elle à poser la question à laquelle je ne veux pas répondre ? Très vite , le regard amusé et ferme , elle m'envoyait gentiment promener avec un geste à la volette : "vas donc voir si tes poupées sont sages !" ...et je repartais encore plus troublée ,avec d'autres questions encore et le cruel sentiment que personne ne pourrait me dire ces histoires qui faisaient baisser la voix des adultes à l'approche des enfants .
Je n'étais pourtant ni effrontée , ni belliqueuse : j'avais soif de savoir . Soif de comprendre les interminables silences dans la grande maison . J'avais l'impression d'y grandir à reculons ,parfois , tant le seul tic tac de la pendule égrenait péniblement le temps . J'y ai appris le souverain ennui qui envoie l'esprit se promener au delà des frontières de la réalité , qui permet de croire aux rêves un jour possibles , cet ennui qui fait des livres nos plus chers amis .

roussote a écrit:J'aimerais m'atteler surtout à un travail descriptif ; une description sensible . Travailler un sentiment , un décor et le décortiquer ,l'épuiser . Mais c'est bien plus laborieux qu'il n'y parait !

roussote a écrit:Ailleurs , j'écris en commun ...

roussote a écrit:J'aimerais m'atteler surtout à un travail descriptif ; une description sensible . Travailler un sentiment , un décor et le décortiquer ,l'épuiser . Mais c'est bien plus laborieux qu'il n'y parait !

Ma mamie , qui m'a un peu élevée ,est partie en rigolant ! Elle était au marché , avec une poule vivante dans une main , son caba dans l'autre et elle écoutait un des paysans qui la connaissait lui raconter une blague en patois ...Elle n'a jamais fini de rire .
ça a été un choc terrible mais ,après coup , nous avons tous été heureux que cette femme bonne ,généreuse ,qui avait eu une vie difficile n'ait pas connu la longue agonie d'une vieillesse dans un lit de grabataire .